Dans le cadre d’un contrôle portant sur le crédit d’impôt recherche (CIR), la juridiction administrative nous rappelle que l’expert du ministère chargé de la recherche ne peut rejeter l’éligibilité au crédit d’impôt des dépenses de sous-traitance en raison de l’absence de documents décrivant les prestations sous-traitées sans demander au préalable et précisément ces documents avec un délai de trente jours.
Il s’agit d’une décision de la Cour Administrative d’Appel de Versailles : ARRÊT DE LA CAA DE VERSAILLES DU 23 MAI 2023, N°21VE03300
Procédure de contrôle : conformément à l’article L. 45 B du LPF, la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt mentionné à l’article 244 quater B du CGI peut être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche. Ce contrôle s’exerce dans les conditions prévues à l’article R. 45 B-1 du LPF. Dans le cadre de cette procédure, l’agent chargé du contrôle envoie à l’entreprise contrôlée une demande d’éléments justificatifs. L’entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L’entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l’expertise de l’éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d’éléments justificatifs, notamment :
- la déclaration spéciale, si elle n’avait pas été précédemment adressée au ministère chargé de la recherche pour chacune des années faisant l’objet du contrôle ;
- les documents scientifiques et techniques nécessaires à l’appréciation de l’éligibilité des opérations de recherche réalisées en interne ou confiées à un prestataire ;
- les justificatifs relatifs aux personnes affectées aux projets de recherche déclarés (qualification, temps passé)
- les documents fiscaux et comptables relatifs aux dépenses déclarées.
L’agent chargé du contrôle peut envoyer à l’entreprise contrôlée une demande d’informations complémentaires à laquelle celle-ci doit répondre dans un délai de trente jours.
Il résulte de ces dispositions que l’article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales a pour objet d’imposer aux agents du ministère chargé de la recherche d’adresser à l’entreprise contrôlée au titre du crédit d’impôt recherche une demande d’éléments justificatifs, de garantir à cette dernière un délai de trente jours pour y répondre, le cas échéant prorogé de la même durée sur demande, de reconnaître à cette entreprise la faculté de s’entretenir avec l’agent chargé du contrôle lorsque, ne pouvant mener à bien son expertise, ce dernier lui a adressé une seconde demande d’informations complémentaires et, enfin, d’imposer la motivation de l’avis rendu par l’agent du ministère chargé de la recherche lorsque la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses contrôlées est contestée. La méconnaissance par l’administration de ces dispositions ne peut demeurer sans conséquence sur le bien-fondé de l’imposition que s’il est établi que, n’ayant privé l’intéressé d’aucune garantie, elle n’a pas pu avoir d’influence sur le redressement (CAA de Versailles du 23 mai 2023, n°21VE03300)
Rappel des faits :
La société SR exerce une activité de développement de nouvelles variétés de céréales à paille. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour la période du 30 juin 2013 au 30 juin 2015. Par trois propositions de vérification des 16 décembre 2016, 22 décembre 2017 et 9 mars 2018, le service a remis en cause l’éligibilité, au titre du CIR, des dépenses engagées par la société, sur la période, auprès de plusieurs de ses sous-traitants. A la suite de l’interlocution du 29 octobre 2018, le service a partiellement abandonné les rehaussements au titre des années 2013 et 2014 par courrier du 23 novembre 2018.
Par le jugement n° 1906921 du 12 octobre 2021, le TA de Versailles a prononcé la décharge des impositions en litige correspondant aux prestations facturées à la SAS Secobra Recherches au cours des exercices clos en 2013 et 2014 par les sociétés Germ Services, Heliantis, Antedis et IFBM et rejeté le surplus de sa demande.
La société SE a fait appel de ce jugement en tant seulement qu’il a rejeté sa demande de décharge des rappels de crédit impôt recherche afférents aux prestations facturées par la société sous-traitante Secobra Saatzucht au titre de l’année 2012.
La CAA de Versailles vient de faire droit à la demande de la société SR.
La Cour rappelle que le rapport du 22 novembre 2017 de l’expert a rejeté les dépenses du sous-traitant Secobra Saatzucht au motif suivant : » aucune description des prestations de sous-traitance (ni contrats, ni cahier des charges, ni livrables, ni factures) « .
La Cour constate que le ministère de la recherche qui conformément à l’article L. 45 B du LPF, avait demandé des éléments justificatifs dans le cadre de l’exercice de son droit de contrôle n’a pas établi que cette demande de documents complémentaires concernait les prestations des sous-traitants.
Or, l’expert ne pouvait rejeter l’éligibilité au crédit d’impôt des dépenses de sous-traitance en raison de l’absence de documents décrivant les prestations sous-traitées sans demander au préalable et précisément ces documents avec un délai de trente jours.
Une telle omission a privé la société requérante d’une garantie, même si le motif de rejet finalement adopté par l’administration fiscale ne repose plus sur l’absence de pièce justificative quant à la nature des prestations des sous-traitants, mais sur l’absence d’agrément de la société Secobra Saatzucht pour l’année d’imposition en litige.
Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la société Secobra Recherches est fondée à demander la décharge des rappels de crédit impôt recherche afférents aux prestations facturées par la société Secobra Saatzucht au titre de l’année 2012.