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08
décembre
2008
CIR : dans un débat juridique qui persiste, il faut sécuriser !
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Malgré l’amélioration par le gouvernement du dispositif fiscal du crédit d’impôt recherche, il subsiste des zones importantes d’incertitude juridique pour les entreprises, en particulier sur les salariés à prendre en compte, sur leur taux d’implication (100% possible ?), et surtout l’exclusion de la refacturation des dépenses exposées.

Un article publié par Serge Bakoa(*) dans Les Echos du 28 février 2008 apporte des précisions sur le débat juridique lié au CIR.

Nous le citons ici intégralement :

Tout d’abord, on sait que parmi les dépenses éligibles au calcul du crédit d’impôt figurent les salaires, avantages en nature, primes et cotisations sociales obligatoires du personnel de recherche. Selon la doctrine de l’administration fiscale et du ministère de la Recherche, seuls les salariés ayant un diplôme minimum de bac +2 sont retenus. La jurisprudence récente (1) a retenu plutôt le critère pragmatique de la participation directe des salariés aux opérations de recherche. Les praticiens qui ont développé des process spécifiques pour en faire la démonstration se heurtent aux réticences d’experts du ministère de la Recherche, qui refusent parfois d’appliquer cette jurisprudence lors des vérifications. Ils exigent en plus la preuve de la création par ce personnel de connaissances contribuant à l’avancée de la science et de l’état de l’art en matière de recherche. La définition du personnel de recherche n’est donc pas clarifiée, ce qui crée une insécurité juridique pour les entreprises.

Ensuite, les entreprises doivent établir le temps réellement passé par leurs salariés à la réalisation d’opérations de recherche. En l’absence de disposition claire à ce sujet et compte tenu des hésitations de la jurisprudence (2), le ministère de la Recherche considère qu’il est rare qu’un salarié puisse être affecté à 100 % à des travaux éligibles au crédit d’impôt, car des connaissances et/ou des techniques déjà acquises sont utilisées pour mener à bien ces travaux. Non seulement cette assertion est dénuée de tout fondement juridique, qui plus est le ministère de la Recherche reste muet sur le niveau de pourcentage à retenir. Or, abstraction faite des périodes de vacances, de formation et autres absences, il n’est pas rare que des salariés consacrent en pratique tout leur temps de travail effectif à la recherche éligible au crédit d’impôt. Il subsiste donc une incertitude, source d’un contentieux.

Refacturations exclues
De plus, l’incertitude plane désormais sur la nature des dépenses éligibles au crédit d’impôt, suite à la décision récente rendue par les juges de Versailles selon laquelle les dépenses de recherche refacturées par une société à des sociétés liées sont exclues du calcul du crédit d’impôt. Cette position qui s’aligne sur une décision rendue à Clermont-Ferrand (3) assimile la notion de « dépenses exposées » visée par la loi fiscale à celle de dépenses définitivement supportées par l’entreprise. Elle est critiquable, car aucune disposition légale, réglementaire ou administrative n’exclut expressément du bénéfice du crédit d’impôt les dépenses éligibles refacturées à des sociétés liées ou non. D’autre part, comment comprendre cette position lorsqu’on sait que l’objectif du crédit d’impôt, qui est d’encourager les activités de recherche, n’est pas incompatible avec une refacturation des dépenses de recherche éligibles ? Il s’agit d’une véritable question de place à résoudre, dans la mesure où la refacturation des dépenses de recherche est une pratique courante dans les entreprises françaises, qui n’ont pas toujours la trésorerie nécessaire pour financer leur recherche.

Enfin, selon la loi fiscale, le ministère de la Recherche dispose d’un droit de vérification autonome de la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt. Toutefois, contrairement aux agents de l’administration fiscale, les agents du ministère de la Recherche ne sont pas tenus d’engager avec l’entreprise vérifiée un débat oral et contradictoire (4). Or, leurs vérifications autonomes conduisent parfois à des rectifications. De ce fait, on peut légitimement s’interroger sur la conformité de cette absence de débat oral et contradictoire au principe constitutionnel du respect des droits de la défense, qui veut qu’une sanction ne puisse être infligée sans que préalablement la personne en cause n’ait été en mesure de prendre connaissance des éléments et faits lui étant reprochés et de présenter ses observations. C’est une insécurité juridique majeure pour les entreprises qui mériterait l’attention du législateur.

En définitive, les nouveaux enjeux recommandent de sécuriser les entreprises en matière de crédit d’impôt recherche, car c’est la pérennité de toute la filière française de la recherche, la croissance et les emplois de demain qui sont en jeu.

(*) Docteur en droit, avocat à la cour, HSTB Avocats.

(1) CAA de Lyon, 1er juin 2006, CE du 27 mai 2005.(2) CAA de Lyon, 11 décembre 1996 et TA de Grenoble, 22 décembre 1995.(3) TA de Clermont-Ferrand, 19 octobre 1999.(4) Conseil d’Etat,21 décembre 2001.

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